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Spartan Race Sparte 2017 par Yoan Argiolas

On en rêvait, Spartan Race l’a fait : une course dans la ville de Sparte en Grèce ! Pour cette première, un weekend Trifecta a été organisé avec tout un tas de spécificités à rendre jaloux tous les Spartiates du monde. Pour vous faire vivre ces courses, je laisse la parole à Yoan Argiolas, athlète handisport (amputé tibial gauche) qui a osé relever le défi !

Spartan Race Grèce l’épopée fantastique

Plutôt que de vous faire juste un résumé de la Spartan Race , je vais essayer de vous faire partager un bout de ma vie

Le départ pour la Grèce

On part en famille pour la Grèce, ma mère (Dany), ma fille (Anthéa), ma femme (Céline), et moi (Yoyo), départ de chez nous (Cannet des Maures) mercredi, je vous passe les détails sur le voyage, nous arrivons bien à notre camping jeudi à 5h du mat comme prévu. Petit dodo pour récupérer, jeudi on en profite pour faire les courses (pour manger ce coup-ci) et un petit tour à Sparte pour voir de nos yeux la statue de la légende Léonidas. Vendredi (escale au bord de mer à Kalamata) puis retour à Sparte pour essayer de faire une visite un peu plus tranquille de la ville, et prendre les dossards pour la course de demain, devant la statue de Léonidas. Tout est déjà installé pour les courses du week-end, on croise Jessy qui nous dit qu’on risque d’avoir une petite surprise pour récupérer les dossards ce soir, ça parle de burpees, du coup retour au camping pour se mettre en tenue de combat.

Une soirée est bien prévue pour pouvoir récupérer les dossards, sur le parvis devant Léonidas tout est prêt, des bidons siglés Spartan en feu pour éclairer, et pour pouvoir récupérer les dossards, chaque concurrent doit faire 30 burpees aux pieds de la statue de Léonidas (c’était génial comme ambiance) cela annonce bien que les courses vont être magiques ici.

La Beast

Il est 9h je suis chaussé de ma toute nouvelle prothèse préparée spécialement pour l’occasion mais que je n’ai malheureusement pas eu le temps de tester, ce sera sa première course.

L’ambiance est très spéciale surtout pour moi, pouvoir me retrouver là avec tout mon vécu, le nom de ma fille Anthéa n’est pas grec pour rien, les valeurs portées par les courses Spartan prennent ici tout leurs sens, et toutes leurs grandeurs, cela rend ce départ très émouvant.

Les premiers mètres se font en marchant car nous traversons des vestiges de sparte avant de pouvoir s’élancer dans la course, les premiers kilomètres et les premiers obstacles se passent rapidement, mais un manque de balisage nous fait faire un détour de plusieurs kilomètres, et passer 3 obstacles de fin de course (avec 30 burpees en plus pour Céline dans la rivière au javelot) avant d’être remis sur le bon chemin, les décors sont splendides, entre oliviers et orangers les passages dans la rivière l’Agogé sont difficiles (galets glissants, eau, boue, vase) pour l’instant je tiens le choc après les quelques obstacles du départ de course cela commence à ressembler à un trail, les douleurs commencent à apparaitre vers le 13ème kilomètres cela semble bon pour moi, avec ma femme nous continuons à gravir des montagnes, les kilomètres passent les sommet défilent, mais nous continuons toujours à nous éloigner de Sparte, les douleurs dans mon moignon sont de plus en plus difficiles a supporter et je dois multiplier les arrêts pour décompresser, heureusement pour moi, j’arrive à franchir tous les obstacles mis sur ma route sans échec, après avoir franchis les plus hauts sommets, et en attaquant la descente c’est le temps qui nous fait des caprices, avec une bonne averses bien glacée et un petit vent bien froid, autant vous dire qu’à partir de là ça devient de plus en plus compliqué, loin de Sparte dans le froid, avec des douleurs dans la jambe (amputée). A partir de maintenant mon but est d’avancer et de finir la course, mon GPS annonce maintenant 22 kilomètres et encore une montagne à gravir c’est dur dur. Malgré l’aide des bâtons, j’ai du mal à avancer, arrivé à l’Olympus je reprends un peu le moral en passant l’obstacle comme un « pro ».

On essaye de se renseigner pour savoir combien de kilomètres il reste à faire pour atteindre l’arrivée, on entend 8 à 10 kilomètres aiieee aiieee aiieee, je commence à être à bout mais on commence notre retour sur sparte, en haut du dernier petit sommet on peut apercevoir Sparte au loin donc on continue : « avancer, avancer » tourne en boucle dans ma tête pour essayer de ne pas penser à la douleur qui me stoppe littéralement quand je dois décomprimer mon moignon en déclipsant la prothèse, à ce moment je me dis que le retour va être rapide maintenant, vu le nombre de kilomètre déjà parcouru, mais la Spartan n’en a pas fini avec nous… retour dans l’Agogé (le lit de la rivière) où je souffre le martyr à chaque pas dans ces put… de galet et cette eau glacée, toujours la même chose à l’horizon : l’Agogé et les banderoles Spartan qui nous font passer dans l’eau, le soir commence à tomber, nous sommes toujours dans l’Agogé et plus on avance et moins j’avance, dans cet enfer, je suis obligé de déclipser souvent, la douleur étant insupportable, et quand je déclipse on est à l’arrêt en attendant que je puisse rechausser la prothèse, je me sens complétement perdu, pas moyen d’avancer, des douleurs de ouf, j’ai froid on est bientôt dans le noir, on est certainement les derniers sur le parcours, malgré tous cela je n’abandonnerai jamais jamais jamais, avancer avancer avancer, on y arrivera, un dernier groupe accompagné par Ben (organisation Spartan) nous rattrape et là je me dis que c’est la fin, il nous explique qu’à cause de la tombée de la nuit il faudrait qu’on reste avec le groupe qui nous a rattrapé ou que l’on attende l’autre groupe qui doit arriver.

On essaye de s’accrocher mais ma prothèse devant être declipsée souvent on est trop lent, c’est interminable, cette Agogé, à bout de tout, de moi, de la prothèse, de mon corps, j’ai vraiment du mal à avancer, Ben voyant qu’on traine un peu pour finir, accompagne l’autre groupe, puis revient avec nous afin que nous puissions passer cette ligne d’arrivée, les derniers kilomètres dans le noir complet sont interminables, douloureux et ce sentiment d’être impuissant face à cette situation est vraiment dur à supporter, mais cet enfer a une fin et on commence à voir des lumières et entendre la musique, Sparte est là enfin la ville et Léonidas nous attendent ainsi que ma fille qui court vers moi quand elle m’aperçoit et là, en la voyant, tout mon calvaire s’efface, les valeurs si chères à mon cœur reviennent à la surface et me permettent de terminer cette course fabuleuse en passant en prime le monkey bar. A la fin de cette course plus qu’épuisante pour moi, il est impensable pour moi de remettre ça demain tellement cela a été éprouvant pour moi.

Le soir de la beast

La ligne étant franchie c’est un sentiment immense de joie mais un peu d’amertume à l’idée de ne pas continuer l’aventure demain. Du coup pour fêter cette victoire, vue qu’on a le ventre vide depuis ce matin, on décide d’aller manger au resto, il y en a un juste en face ça tombe bien, de plus il est rempli de Spartan à l’intérieur, on rentre et là d’un coup le resto devient silencieux, je me sens un peu dévisagé les gens me regardent avec le sourire, une sensation bizarre me traverse puis tout le monde m’applaudit dans le resto et les applaudissements se terminent sur un AROO AROO AROO c’est insensé toutes les personnes du resto m’ont vu courir, me dépasser, c’est vraiment des bonnes sensations que celles ressenties à ce moment, des émotions à l’état pur, des frissons et les yeux qui brillent, à faire oublier l’enfer que je viens de vivre.

A ce moment je me remémore toutes les personnes croisées sur le parcours qui m’ont encouragées, soutenues, embrassées, tous les Marshalls, volontaires, tout le public, ma famille, mes amis, pour toutes ces personnes qui me soutiennent, qui m’encouragent sur les obstacles, j’ai finalement envie de continuer demain mais comment, impossible de rester bloqué sans pouvoir avancer comme aujourd’hui, c’est là que ma femme à l’idée des béquilles à la place des bâtons, OK on remet ça demain on ne vivra ça qu’une fois dans notre vie, on est des spartiates on n’abandonne jamais, on ne recule jamais, on ne se rend jamais !

La nuit est courte et le petit matin nous tire du lit car persuadés de ne pas repartir le lendemain nous n’avons pas pris les dossards… donc DEBOUT LES MAURES (le nom de mon association) !!! Et en route dès 7h pour faire la queue au retrait des dossards.

La Super

Un remake plus court que la Beast avec 18km quand même, les béquilles me sont d’un grand secours car je n’arrivais pas à courir ce matin, on a trouvé une astuce pour être moins comprimé juste avant le départ de la course heureusement (je me suis fait un peu de place dans le prothèse à coup de couteau : on est des spartiates on utilise ce que l’on a sous la main), beaucoup de personnes m’ont déjà vu hier, elles ont vu ma souffrance, leurs encouragements me mettent à nu, je suis déstabilisé par tant d’admiration des gens autour de moi, concurrents, supporter, Marshalls, volontaires, j’ai pris des émotions de fous tout le week-end sans cela cette course aurait été impossible, les passages dans l’Agogé sont toujours aussi durs et compliqués pour moi, ma femme a du boulot car porter les béquilles et la prothèse en alternance c’est pas facile, des concurrents nous aident à tour de rôle et font un bout de chemin avec nous, les concurrents et les Marshalls font les portés à ma place (impossible de porter avec des béquilles), la course est dure car on est soumis à une barrière horaire, il faut absolument que l’on puisse prendre le départ de la sprint à 14h45 dernier délais.

Vu d’ici ça a l’air facile mais dans l’Agogé en béquille ça l’est beaucoup moins, donc on se donne à fond avec Céline car la Beast nous a bien entamé c’est dur dur dur, long long, mais on va y arriver grâce à l’aide de tout le monde, le vrai esprit spartiate se montre dans cette course, on avance, on avance, le terrain est connu maintenant, cela rend les choses plus simples quand même, les temps sont corrects on peut envisager de prendre le départ de la sprint, le passage final en ville est toujours aussi fort émotionnellement avec ma fille et la foule qui m’encourage cela me donne des ailes et pour la deuxième fois le monkey bar est ok pour moi (et pour ma femme qui m’impressionne) compteur de burpees à 0 pour cette super. On franchit la ligne d’arrivée avec juste un petit peu d’avance pour prendre le départ de la sprint, pour essayer d’atteindre le Graal (la Trifecta sur un week-end). Juste le temps de se changer avant de repartir et là en enlevant totalement la prothèse pour décomprimer, avant de repartir, je me rends compte que j’ai des blessures importantes, normalement si j’étais normalement constitué je ne devrais pas prendre le départ mais c’est la dernière course et je n’abandonnerai jamais.

La sprint

Finalement on prend le départ de la sprint à 14h30 dernier départ à 14h45 c’est chaud quand même, le départ est donné, je fais 50 mètres avec ma femme à mes côtés, et là j’éclate en sanglots, tant d’émotions tant de chose qui remontent à la surface à ce moment : mon accident, mes entrainements, ma nouvelle vie d’aujourd’hui, ma fille, mes défis, mon amour pour ma fille et pour ma femme, pouvoir rendre ma fille fier de son père, après tant de difficultés sur ce week-end une lueur d’espoir, tant d’émotions fournies par Sparte, par les valeurs défendues par Léonidas et les 300. On est tout petit ici et pourtant les gens me voient grand. Je vous remercie, les larmes coulent sous mes lunettes de soleil, beaucoup d’émotion. Pour cette dernière course on est accompagné par Alex de l’asso No Difference qui fait toute la course avec nous pour aider Céline à porter en alternance la prothèse et les béquilles, je pense que pour cette dernière course j’ai dû faire 65% du tracé sur les béquilles, toujours cette foutue Agogé, les obstacles, et sur la fin la perte dans la boue d’un patin d’une béquille rendant les béquilles inutilisables sur les 2 derniers kilomètres de la course mais j’ai pris tellement d’émotions lors de ces courses, j’ai de l’adrénaline qui coule dans mes veines.

Arrivé en ville c’est spectaculaire, j’ai l’impression d’être une star internationale, ça applaudit de partout j’ai ma fille à mes côtés et ma mère qui nous suivent. Une erreur sur le monkey bar du coup burpees ma fille (Anthéa 6 ans) me rejoint et nous faisons tous les burpees en famille l’émotion est palpable tout autour de nous, je suis complétement à bout physiquement et je continue d’avancer vers la ligne d’arrivée. Dernier obstacle avant le feu, le mur mouillé avec la corde, je monte quelques mètres, la prothèse glisse beaucoup, je m’explose contre le mur, je recommence plus doucement étant à bout de force j’arrive à franchir le mur. On passe le feu en famille avec Anthéa et ma mère tous main dans la main, ce qui se passe autour de moi est fou, les gens veulent me taper dans la main, les femmes me prennent dans leur bras « it’s amazing » on m’offre des cadeaux toujours énormément d’émotion c’est fou !!!

La remise de la Trifecta se fait sur le parvis aux pieds de Léonidas, côté sensations c’est juste énorme, devant la foule, des émotions toujours, un retour aux sources pour la course et pour moi aussi, mes racines grecques à la base, le nom de ma fille, des valeurs qui valent le coup qu’on se batte tous les jours, une odeur de liberté, l’esprit des 300, Léonidas toujours aussi grand dans cette Sparte magnifique, cette course n’a pas été une simple une course pour moi, cela a fait remonter à la surface beaucoup de choses de mon passé, afin de continuer à me battre pour que ma fille soit toujours fière de son père, que ma femme m’aime malgré mon handicap, que les coureurs m’acceptent dans leur famille, pour que mon handicap devienne une force plutôt qu’un déficit, j’ai réussi à accomplir quelque chose d’extraordinaire mais cette victoire n’est pas que la mienne c’est une victoire pour tous ceux qui ont eu une pensée pour moi ce week-end, qui m’ont soutenu physiquement, psychologiquement, par des coups de pouce, par des tapes dans la main, dans le dos, par leur sourire.

Cette victoire je vous la dédie car sans vous tous elle n’existerait pas. Je remercie également Ossür, Reebok, orthopédie Laguarrigue, la Varoise Médicale, STAR VAR, Debout les Maures et tous ceux qui me soutiennent de près comme de loin !!!

Merci Sparte ! AROO

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